Hiroshima et ses fantômes optimistes

 

Avec Lumières d'été, Jean-Gabriel Périot signe un conte tendre et émouvant sur l'une des plus grandes tragédies de l'histoire de l'humanité : le bombardement de Hiroshima par les Américains, le 5 août 1945.

Les films - courts ou longs - de Jean-Gabriel Périot nous ouvrent les yeux sur les pages les plus sombres de l'histoire de l'humanité, à l'image de son documentaire, Une jeunesse allemande qui s'intéressait à la bande à Baader. Aujourd'hui, avec Lumière d'été, il nous ramène encore une fois à une tragédie historique, mais en prenant le ton du conte, il apporte cette légèreté indispensable pour continuer à vivre au-delà des drames.

Pourtant, Lumières d'été commence comme un documentaire. Le spectateur observe Akihiro, réalisateur japonais travaillant pour la télévision française, supervisant l'installation de caméras et de micros prêts à recueillir un témoignage. La tension, les injonctions chuchotées, les précautions qu'il prend en accueillant son invitée, le respect qu'il lui montre, sont autant d'avertissements de l'impact qui attend le spectateur : une septuagénaire, survivante de la bombe atomique, se souvient du 6 août 1945.

 

Du concret à la fiction

Elle raconte d'abord la mort de son père, mais aussi les petits bonheurs de sa vie avec sa mère - partie ce jour-là travailler dans une ferme – et sa sœur aînée, infirmière. Elle se souvient de son départ pour l'école en cette journée ensoleillée, pendant que sa sœur Michiko rejoint l'hôpital Et puis la lumière insoutenable, les cris des brûlés, la vision horrible des corps calcinés qui se déplacent dans sa direction, son impuissance et sa mère qui ne reviendra jamais. Tout nous laisse à penser que Mme Takeda (chapeau la comédienne) a bel et bien existé, que son interview est bien réelle... Parce que Jean-Gabriel Périot a choisi de partir du concret pour aller vers la fiction : sa caméra suit Akihiro encore secoué par ce qu'il vient d'entendre. Il a quitté le studio d'enregistrement, bouleversé, et reprend son souffle sur un banc dans le parc du Mémorial de la Paix. Là, une jeune femme en kimono lui sourit et l'interroge sur ses origines. C'est le début d'une autre histoire ancrée dans le présent.

Soixante-douze ans après, Hiroshima n'a pas oublié, mais la ville, entièrement reconstruite, méritait cette vision positive avec des personnages, certes marqués par le passé, mais heureux de vivre, de courir dans les rues, de prendre un train, de voir la mer, de pêcher avec un enfant...

Auprès de Michiko, jeune infirmière démodée, Akihiro se libère progressivement de ses émotions douloureuses, comme on se libère d'un passé encombrant, pour enfin profiter de la vie. Peut-être parce qu'aujourd'hui, vivre à Hiroshima inculque l'obligation d'être heureux. Et il fallait bien un fantôme pour souligner que, sans oublier le passé, il faut savoir aller de l'avant. Vers la lumière.

 

Geneviève Cheval
Paris Normandie
16 août 2017